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· Sable émouvant
 

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Date de création : 15.01.2012
Dernière mise à jour : 01.03.2012
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Sable émouvant

Publié le 23/01/2012 à 20:49 par la-mesange-bleue Tags : médéa algerie infirmiere corse chiffa capitaine
Sable émouvant

 

 

 

 

roman d'amour

résumé

 

C’est une histoire d’amour commencée en août 1961 pendant la guerre d’Algérie entre l’épouse d’un capitaine de gardes mobiles et un « appelé » du contingent. Pour diverses raisons, cette idylle prit fin en avril1961. Par un concours de circonstances inouï, cette histoire recommença en mars 1977, pour ne plus s’achever, malgré les vicissitudes de la vie. Sans concession, sans cet immense amour, sans remise en question quotidienne, une telle relation n’aurait pu perdurer. Un bel exemple d’abnégation réciproque et un amour au sens intrinsèque.

Ce roman réel dans sa première partie est parfaitement imaginaire par la suite.

 

extrait

 

Chapitre  3

La manière d'obéir fait le mérite de l'obéissance.

Chevalier de Méré

Dimanche 21 août 1960

Ce soir-là, je ne devais pas être de garde ; le copain — présent sur la liste — étant légèrement souffrant; je le remplace. Ayant plus d’affinités avec le chef de poste, je préfère être de garde ce dimanche. Je vous parle un tantinet de cet homme… un sergent corse dont la moindre goutte de sueur angoisse. Un Corse transpire… ce n’est déjà pas fréquent; à l’armée, la sudation est quasi une faute professionnelle passible d’un blâme. D’autre part, la température étant fort agréable ; j’ai un heureux pressentiment. La soirée sera sympathique.

J’ai déjà troqué mon treillis contre une tenue de voyante extra-lucide. Certes, il manque la boule de cristal, mais… Patience !

Je prends ma première faction à la gare routière située à la sortie de Médéa en direction de Damiette

. Ce village doit son nom à une victoire de Saint-Louis en Égypte (1249). Cette gare routière est en fait un vaste terre-plein permettant aux convois de camions de se garer et, aux hommes de bivouaquer pour la nuit. Cette place est en outre située près de la gare ferroviaire. Le mot “gare” est quasi inadapté pour parler d’un vulgaire endroit dans lequel s’arrête une sorte de train ; il ne porterait pas un tel nom, s’il ne roulait pas sur deux rails parallèles. Près de là est un dépôt de carburant dans lequel nous avons une sentinelle. Je monte quelquefois la garde dans cet enclos; c’est la planque. Personne ne peut entrer; c’est donc “relax”. Le seul inconvénient est pendant la saison chaude. Le jour, les fûts vides se dilatent à la chaleur du soleil; la nuit, ces mêmes fûts se rétractent occasionnant ainsi un bruit de différente amplitude selon la grosseur des contenants.

Il est à peu près vingt heures; la chaleur commence à diminuer. Une bonne nuit se prépare (sauf incident). Le soir et plus particulièrement un dimanche, la circulation est réduite, pour ne pas dire quasi nulle. Abrité derrière mon frêle fortin de sacs de sable, je me morfonds et pense à la France, à mon village. Si la situation ne se détériore pas, il me reste quelque huit mois à tirer. Le chef de poste vient me tenir compagnie un moment. Originaire de Corse, plus particulièrement de Sartène

, ce garçon parle de “son” île avec une certaine délectation. Hormis, Bonaparte, Tino Rossi, l’échauguette et l’occupation génoise; l’île de beauté est pour moi, une parfaite inconnue!

Ce type dont l’intelligence est très au-dessus de la moyenne a une facilité d’élocution hors du commun. Il me parle avec amour de sa petite maison dans le maquis, de son troupeau de chèvres ou des rues chaudes de Sartène, dans lesquelles il se rendait quelquefois. J’éprouve un certain plaisir à l’écouter avec son accent particulier aux habitants de l’île de beauté. Chez ce garçon, je sens le discours «brut de décoffrage», mais authentique. J’en arrive presque à envier cette vie rude, certes, mais libre. Ce garçon a une trentaine d’années; comme de nombreux Corses de l’époque, il fait carrière dans l’armée. Il a obtenu le grade de maréchal des logis. Sans être au sommet de l’échelle, il est satisfait de sa condition. Encore quelques années à tirer dans “la grande muette”, il pourra retourner au pays avec une petite pension. Son seul but est de retrouver les siens et sa vie d’homme libre. Le mot “liberté (libertà) revêt en Corse une résonance spéciale!

Pour une raison indéfinissable, j’envie ce garçon. Il est le parfait militaire obéissant sans broncher aux ordres de ses supérieurs. Les termes quelquefois avilissants employés par le capitaine n’ont aucun impact sur lui.  Auprès de certains de mes camarades, il a une réputation d’homme peu fiable et assez versatile. Avec moi, le courant passe bien! J’aime bien l’avoir comme chef de poste; il n’est pas “chiant”. Jamais il n’a cherché à approcher les sentinelles pour savoir si celles-ci ne piquaient pas un petit “roupillon”. Une seule fois, il avait surpris un type en train de dormir; l’autre avait eu un réveil douloureux (doux euphémisme). Le lendemain, sa tête avait de drôles de couleurs. Le coupable n’allât pas se plaindre, il allait ramasser huit jours de cabane. De plus, ce Corse est de grande taille et assez filiforme. Il porte à sa ceinture un revolver à canon long chromé. Avec son chapeau de brousse et ses “rangers”, il ressemble au plus grand des Dalton. En outre, cet homme possède un self-control impressionnant. En fait, j’ai quasi de l’admiration pour ce garçon; le mot honneur a un sens! Son assurance et sa facilité d’élocution contrastent avec ma timidité. Néanmoins, il ne « roule pas les mécaniques ». Certains militaires aiment faire étalage de leurs galons ; ces derniers leur donnent un air supérieur. L’être humain se prend pour une “star” dès qu’il endosse un uniforme ; parfois, les mecs ne se sentent plus “pisser”. Je redoute ces gens; leur fonction ôte parfois tout sens de la mesure. En Algérie, de nombreux accidents sont à déplorer en raison d’un péché d’orgueil exacerbé d’un caporal se prenant pour un général.

Si je parle tant de ce “margis”

corse aux allures de cow-boy, il y a une excellente raison! Ce garçon jouera un grand rôle dans le déroulement de la présente soirée et aussi dans les huit mois suivants. Il me fait volontiers confiance. Bénéficier d’un tel régime, je suis très honoré et curieux d’en connaître la raison. Lors d’une partie de pétanque, il me semble avoir décelé un embryon de réponse. En effet, cet homme a un frère de mon âge et doté d’une frêle constitution. Ce garçon avait douze ans quand le père de famille décéda. Son frère et moi avons quelques similitudes; c’est sans doute le motif de sa bienveillance à mon égard.

Notre conversation avec le “margis” dure près d’une heure; cet homme a envie de se confier un tantinet. Il est vrai, les sous-officiers prennent leurs repas au mess; c’est quasi le seul endroit ou ils peuvent s’exprimer. Je l’ai déjà dit…  Le “rempilé” en question n’est pas très apprécié par ses collègues. Il faut le souligner, être maréchal des logis n’est pas la meilleure place; au-dessus vient l’adjudant. Hormis quelques exceptions, les “juteux” ont une certaine propension à posséder une couche de connerie pas piquée des hannetons. Si tant de «rempilés» sont quelque peu déphasés, cela peut s’expliquer par la vie en caserne et la rigueur de l’armée. La CCR a comme chef, une sorte de guignol affublé d’une bonne bedaine et d’un sens de l’humour très étroit. Pourtant, hier, nous avons fêté la Saint Christophe.  Lors du repas amélioré pris en commun avec l’ensemble des gradés, j’avais en face de moi le capitaine. Était-ce les effluves de l’alcool ou cet homme était-il dans un bon jour? Il consentit à nous conter quelques histoires et autres anecdotes. Nous vîmes alors apparaître un soupçon d’humanité chez ce pachyderme affublé d’un costume “kaki”. Sur sa veste, il arbore plusieurs rangées de médailles, toutes commémoratives! Ce « bouffon » n’a peut-être pas la Médaille militaire, ni la moindre citation. Après cet intermède dans lequel, j’ai bien “habillé” le capitaine, je reviens à ma soirée de garde. Le “margis entre dans son bungalow — lui servant de bureau — pour remplir ses papiers. Je continue à rêvasser. Soudain apparaît une colonne de camions militaires précédés d’une jeep. Le conducteur arrête son véhicule sur le terre-plein, descend et se dirige dans ma direction.  Selon les consignes, je demande le mot de passe; l’homme répond de façon convenable, je le laisse donc approcher.

— Capitaine Laurencin; pouvons-nous passer la nuit sur cet emplacement ? Nous allons vers le sud et avons roulé toute la journée. Mes hommes ont besoin de repos.

— Mon capitaine, je ne puis vous informer! Il serait souhaitable d’aller voir le chef de poste. Il est habilité pour prendre une décision.

Le capitaine franchit le seuil du bungalow. J’entends à nouveau des pas sur le gravier; une jeune femme blonde s’approche et s’assoit à côté de moi sur un des sacs de sable. Mon cœur se met à battre la chamade; une telle créature en ce lieu, c’est rarissime! J’ai vingt-deux ans et suis très, très timide. Je dois ressembler à Bernadette Soubirous lorsque la Vierge Marie apparut dans cette fameuse grotte de Massabielle.

— Je suis l’épouse du capitaine Laurencin! Mon prénom est Bénédicte.

— Enchanté! Moi, c’est Robert.

Dans l’instant, je pense surtout au mari! Il va ressortir du bungalow; quelle va être sa réaction?

En fait, il ne se préoccupe pas de son épouse. Il retourne près de ses hommes pour organiser le bivouac.

En essayant de cacher mon émotion, je m’assois à côté de Bénédicte; nous parlons longuement.  Je suis quasi paralysé de trouille ; malgré tout, j’arrive à tenir une conversation cohérente. Le plus drôle est justement la teneur de notre discussion. Nous parlons de tout; pour cette “gazelle”, les tabous ne semblent pas exister. Vers vingt-et-une heures trente, le mari revient près de nous et conseille à son épouse d’aller dormir; le départ étant prévu pour cinq heures le lendemain.

— Je reste encore un moment avec Robert. La soirée est merveilleuse; il fait encore trop chaud pour dormir.

L’homme n’insiste pas! Il me souhaite bonne nuit en me serrant la main et va rejoindre sa “guitoune”.

Je “flippe” à mort; elle m’a appelé par mon prénom.

Ma faction s’achève à vingt-deux heures; le chef de poste  va réveiller mon remplaçant. En revenant, il me dit.

— Tu ne vas pas aller dormir? Tu es en bonne compagnie.

Là, Bénédicte prononce une parole… Celle-ci restera longtemps gravée au fond de mon cœur.

— Ah! Non. J’ai besoin de Robert;  je n’ai aucune envie de rester seule.

Si tel est votre bon plaisir! Cela dit, à l’armée, les consignes sont strictes. Une sentinelle ne peut avoir son attention détournée; ce moment de déconcentration risque d’être préjudiciable, non seulement à la sentinelle, mais au groupe dans son ensemble. Cela dit, nous sommes dans un coin

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